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Clément Beaune, ancien ministre : « Ces Jeux olympiques sont plus qu’une parenthèse ou un cache-souffrance, ils sont un révélateur »

Les Jeux sont faits, ou presque. Nous en voulons encore, et les Jeux paralympiques vont nous offrir leur lot d’exploits et de héros. Nous pouvons déjà dire que ces Jeux olympiques de Paris 2024 ont été un moment tellement français : nous avons râlé, nous avons basculé, nous avons adoré.
Oui, nombre de Parisiens et de Français ont redouté ces Jeux jusqu’à la veille, des craintes abondamment relayées ou amplifiées par les médias, des experts en tout et des politiciens tirant contre leur camp : « Parisiens en cage », « folie sécuritaire », « on ne va pas être prêt sur les transports ». Avant de chavirer dans l’euphorie dès la cérémonie d’ouverture.
Nous nous sommes extasiés chaque jour un peu plus, de tout, ensemble. Tout était nul, tout est magique ; un détail révélateur m’a frappé : les sympathiques Phryges ont été l’objet de tous les sarcasmes, avant de devenir des icônes. On a fini par tout aimer dans nos Jeux ! Pour ne pas perdre la main, nous avons tout de même ajouté une pincée de polémique, sur la Cène, la scène, la Seine. A coup sûr, dès cette semaine, les mauvais esprits ressurgiront, pour s’attribuer le mérite du succès qu’ils n’avaient pas prévu ou ressusciter nos débats favoris, sur le coût, l’impact, le caractère éphémère de ce moment d’union.
Qu’est-ce que cela dit de nous et que pouvons-nous en tirer ? Nous sommes un peuple très politique. Tout est chez nous matière à débat. Et beaucoup de Français ont été bousculés, angoissés par la période de la dissolution de l’Assemblée nationale : après un stress intense, les Jeux ont été une bouée de sauvetage psychologique, un plaisir de soulagement. C’était le Prozac ou les Jeux, nous avons eu les Jeux.
Il y a plus que cela. Ce moment olympique a montré de manière presque parfaite notre état d’esprit tricolore : celui d’une fierté et d’une joie contrariées, d’une névrose auto-infligée. Le peuple français est l’un des plus pessimistes, comme le montre l’étude annuelle comparée de l’Ipsos ; nous revendiquons un bonheur privé et une tristesse collective. Sans être naïfs ou béats (il y a de la marge), cette vague de joie non réprimée révèle que nous avons, au fond, envie d’être heureux ensemble. Que nous voulons être fiers de la France. Que, même lorsque chacun ne goûte pas chaque détail d’une cérémonie, l’immense majorité des Français a envie de savourer plus que de dénigrer, d’aimer plus que de haïr, de célébrer le beau, le divers, le grandiose.
Le cliché dit les Français arrogants ; notre identité me semble plutôt un mélange unique d’autoflagellation au quotidien et de bouffées d’orgueil. Un dépressif qui se voit de temps en temps en Napoléon. J’ai travaillé avec de nombreuses nationalités, j’ai négocié sur le Brexit : jamais un responsable politique anglais ne dit à la face du monde que son pays est foutu, même s’il doute.
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